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Bouddhisme, l'une des principales religions du monde, qui apparut au nord de l'Inde et fut fondée sur les enseignements de Siddharta Gautama, connu sous le nom de Bouddha, "!l'Éveillé!".
Le bouddhisme fut à l'origine un mouvement monastique au sein de la tradition brahmanique. Il prit rapidement une orientation bien différente puisque le Bouddha rejeta les aspects fondamentaux de la philosophie hindoue, récusa l'autorité sacerdotale, ne reconnut pas la validité des Écritures védiques et renia le culte des divinités sur lequel elles étaient fondées. De plus, la Voie qu'il prêchait était ouverte aux hommes et aux femmes issus de toutes les castes. Il refusait d'admettre que la valeur spirituelle d'une personne dépende de sa naissance. Voir Hindouisme.
Aujourd'hui, le bouddhisme se présente sous deux formes principales : la doctrine primitive, ou Theravada, dite encore Hinayana ou "!Petit Véhicule!", et le Mahayana ou "!Grand Véhicule!".
Le bouddhisme s'est répandu en Inde, au Sri Lanka, en Thaïlande, au Cambodge, en Birmanie et au Laos, où la forme dominante a été le Theravada!; le Mahayana a surtout été représenté en Chine, au Japon, à Taiwan, au Tibet, au Népal, en Mongolie, en Corée, au Viêtnam, ainsi qu'en Inde. Il y aurait entre 150 et 300 millions de bouddhistes à travers le monde. On ne peut guère donner d'estimation plus juste : dans la quasi-totalité des pays asiatiques, l'adhésion religieuse n'est généralement pas exclusive!; il est, par ailleurs, particulièrement difficile d'estimer le nombre croissant de bouddhistes dans des pays comme la Chine.
Origines
Le bouddhisme mit longtemps avant d'acquérir sa forme définitive.
La vie du Bouddha
Les premières informations disponibles sur la vie du Bouddha ne sont que des comptes rendus fragmentaires, la première biographie complète n'étant apparue que des siècles après sa mort. Toutefois, les spécialistes occidentaux s'accordent généralement pour dater sa naissance du milieu du VIe siècle avant notre ère.
Siddharta Gautama, le Bouddha, serait né à Kapilavastu près de la frontière qui sépare de nos jours l'Inde du Népal. Son père aurait gouverné un petit royaume. La légende dit qu'à sa naissance des maîtres de renom le reconnurent comme un être exceptionnel, un futur sage ou un futur souverain. Le jeune prince fut élevé dans une retraite luxueuse, jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans!; il réalisa alors combien sa vie avait été vide. Renonçant aux attachements mondains, il partit en quête de la paix et de l'Éveil, cherchant à s'affranchir du cycle des renaissances. Pendant quelques années, il pratiqua le yoga et se soumit à de rigoureuses pratiques ascétiques.
Après sept années d'efforts, il abandonna cette approche qui ne le satisfaisait pas et suivit une voie à mi-chemin entre une vie d'acceptation du monde et une vie de total renoncement. Il s'asseyait sous un figuier pippal (connu depuis comme l'arbre de la Sagesse), méditait, expérimentait des états de conscience de plus en plus subtils!; il était bodhisattva, c'est-à-dire candidat à la dignité de Bouddha. Au cours d'une nuit, assis sous son figuier, il reçut l'Éveil et devint le Bouddha, ou "!l'Éveillé!". Une fois cette vérité ultime atteinte, le Bouddha traversa une période d'intenses conflits intérieurs. Il se mit à prêcher, allant de village en village, et, rassemblant un groupe de disciples, il forma une communauté de moines mendiants connue sous le nom de sangha. Il consacra le reste de sa vie à l'enseignement.
Les enseignements du Bouddha
L'enseignement du Bouddha fut purement oral. Il ne laissa aucun recueil de ses pensées. Ce n'est qu'après sa mort que sa doctrine fut retranscrite et codifiée par ses disciples.
Les Quatre Nobles Vérités
Au cours de sa première prédication, Bouddha enseigna les Quatre Nobles Vérités. La Première Vérité est la réalité de la souffrance (dukkha). Dans son essence, l'existence humaine est essentiellement souffrance, depuis la naissance jusqu'à la mort. Pour le Bouddha, qui admettait la conception hindoue du cycle des existences et de la renaissance, la mort elle-même n'apporte aucun soulagement. L'ignorance de la véritable nature du réel, le désir, l'attachement et l'avidité qui en résultent, constituent l'origine de la souffrance. C'est là la Deuxième Vérité. La Troisième Vérité proclame que l'attachement et l'ignorance peuvent être anéantis : c'est la Vérité de la cessation de la douleur. La voie qui mène à cette cessation de la souffrance, la Voie aux Huit Étapes ou noble octuple Sentier, est la Quatrième Vérité. Huit vertus jalonnent cette voie : la compréhension pure, la pensée ou la représentation mentale pure, la parole pure, l'action pure, les moyens de vie purs, l'effort pur, l'attention pure et la concentration pure. Ces huit vertus sont généralement réparties en trois catégories : la moralité, la sagesse et samadhi, l'entraînement mental ou méditation.
Anatman
Pour le bouddhisme, toutes choses se répartissent en cinq catégories ou skandhas : la forme (le corps physique), les sensations, les perceptions, les formations mentales ou formations karmiques et la conscience. Un être humain n'est que la combinaison temporaire de ces catégories vouées à l'impermanence. À chaque instant, nous nous transformons, personne ne demeure identique à ce qu'il croit être. Les bouddhistes rejettent l'idée que les catégories, envisagées ensemble ou séparément, puissent être considérées comme une entité individuelle ou une âme permanente et autonome (atman). Ils estiment qu'il est erroné de concevoir un en-soi, essence durable derrière les éléments qui composent un individu ou les choses de l'Univers. Le Bouddha estime qu'une telle croyance génère l'égoïsme, le désir et finalement la souffrance. Ainsi, il enseigne la doctrine de l'anatman ou reniement à l'âme permanente. Il pense que toute existence est conditionnée par le reniement (anatman), l'éphémère (anitya) et la souffrance (dukkha). La doctrine de l'anatman impose au Bouddha de réinterpréter la conception indienne des renaissances multiples au sein de la roue de l'existence connue sous le nom de samsara. À cette fin, il enseigne la doctrine de la naissance conditionnée (pratityasamutpada) qui consiste en une suite d'événements cycliques, douze facteurs interdépendants qui favorisent les conditions de la douleur. Leur enchaînement causal montre comment de l'ignorance naissent des constructions psychiques qui, à leur tour, deviennent la cause du fonctionnement des sens et de l'activité mentale. De là, naissent les sensations qui engendrent le désir et l'attachement à l'existence. Cet enchaînement de circonstances déclenche le processus de la renaissance, produisant ainsi un cycle sans cesse renouvelé de naissance, vieillesse et mort. Par le biais de cette chaîne de causalité, un lien s'établit entre l'existence présente et celle à venir. La conception d'un flux d'existences multiples que le bouddhisme pose comme principe s'oppose à l'idée d'un être permanent qui transmigrerait de vie en vie. Épuiser ces constructions psychiques par la méditation conduit à l'arrêt de la douleur et à la possibilité d'une renaissance qui est la fin des réincarnations.
Karma
Le karma est au fondement de la philosophie hindoue. Le terme karma désigne les actions qu'un être accomplit et leurs conséquences morales. Toute action doit porter des fruits : les bonnes actions sont inévitablement source de bienfaits alors que les actions négatives sont sanctionnées. Par conséquent, n'existent ni plaisirs immérités ni souffrances injustifiées, mais plutôt une justice universelle. Le processus karmique fonctionne sous l'effet d'une sorte de code moral naturel et non sous l'autorité d'un jugement divin. Le karma de chacun détermine des facteurs tels que l'apparence, la beauté, l'intelligence, la longévité, la richesse et le statut social. Selon cette philosophie, différents types de karma peuvent donner lieu à une renaissance en tant qu'être humain, animal, fantôme, habitant des enfers ou dieu du panthéon hindou. Bien que le bouddhisme n'ait jamais réellement nié l'existence des divinités, il refuse de leur accorder un rôle spécifique. Leur vie au paradis est longue et plaisante, mais les dieux sont sujets aux situations difficiles que connaissent les autres créatures. Ils peuvent même expérimenter la mort ou une renaissance dans des états d'existence inférieurs. De plus, ils ne sont pas créateurs de l'Univers et ne contrôlent en rien la destinée humaine. Le bouddhisme rejette aussi les prières et les sacrifices accordés aux dieux. Parmi la multiplicité des modalités de renaissance possibles, l'existence humaine est la plus favorable, car les déités sont tellement absorbées par leurs propres plaisirs qu'elles en oublient l'aspiration à la Délivrance. L'illumination (ou l'Éveil) est réservée aux seuls êtres humains.
Nirvana
Selon le bouddhisme, le but ultime est la rupture de la chaîne de l'existence et de son cortège de souffrances. Ce but est appelé nirvana, un état d'Éveil où les feux de l'avidité, de la haine et de l'ignorance se sont éteints. Le nirvana n'est pas un état de totale annihilation, mais un niveau de conscience au-delà des définitions et donc des concepts. Après l'avoir atteint, l'être éveillé continue de vivre en éliminant peu à peu les restes du karma. Il pratique ainsi pour accéder, au moment de la mort, au parinirvana ou nirvana complet.
En théorie, le nirvana est accessible à tout un chacun bien qu'il n'apparaisse comme un objectif réalisable que pour les membres de la communauté monastique. Dans le bouddhisme Theravada, celui qui a atteint l'Éveil en suivant le noble octuple Sentier est appelé arhant ou être de grande valeur, une sorte de saint solitaire.
Ceux qui ne sont pas aptes à poursuivre la quête du but ultime peuvent se contenter d'améliorer leur karma en vue d'une renaissance plus favorable. Cet objectif moindre concerne généralement les bouddhistes laïques qui espèrent renaître en tant que membres du sangha et bénéficier ainsi d'un mode d'existence propice au cheminement et à l'Éveil.
Le comportement moral qui permet d'atteindre le nirvana est un mélange harmonieux de détachement et d'intériorisation. Il nécessite la pratique de quatre attitudes vertueuses qui sont appelées les palais de Brahma : la bienveillance, la compassion, la pensée positive et l'équanimité. Ces attitudes rendent possible une renaissance favorable centrée sur l'accomplissement des devoirs sociaux. Cela implique des actions charitables, en particulier en faveur du sangha, ainsi que la mise en pratique des cinq préceptes qui constituent la discipline morale élémentaire du bouddhisme : s'abstenir d'ôter la vie, s'abstenir de prendre ce qui n'est pas donné, s'abstenir de mauvaises paroles, s'abstenir de mauvaise conduite charnelle et s'abstenir de boissons enivrantes et de stupéfiants. En suivant ces préceptes, les trois racines du mal — la luxure, la haine et l'illusion — peuvent être coupées.
Les premiers développements du bouddhisme
Peu avant sa mort, le Bouddha refusa d'accéder à la requête de ses disciples qui lui demandaient de nommer un successeur. Il leur expliqua qu'ils devaient désormais œuvrer avec détermination à leur propre libération. L'enseignement du Bouddha étant purement oral, le besoin d'une structure permettant de maintenir l'unité et la pureté de la communauté se fit rapidement sentir. De ce fait, la communauté se réunit périodiquement afin de définir les lignes directrices de la doctrine et de la pratique. Quatre de ces réunions sont considérées par la tradition bouddhiste comme les conciles de référence.
Les conciles fondamentaux
Immédiatement après la mort du Bouddha, le premier concile se tint à Rajagrha (Rajgir de nos jours) en 477 av. J.-C., sous la direction du moine Mahakasyapa. Les enseignements du Bouddha y furent récités et les participants se mirent d'accord sur leur contenu ainsi que sur la discipline monastique à adopter.
On dit qu'un second grand concile se déroula un siècle plus tard à Vaisali, afin de remettre en cause certains comportements comme l'utilisation de l'argent, la consommation de vin de palme et d'autres irrégularités commises par des moines appartenant à la confédération Vajjian. Ces usages furent jugés non conformes par le concile. Certains savants estiment que cet événement est à l'origine de la première grande scission qui frappa le bouddhisme. Les rapports du concile évoquent un schisme entre les Mahasanghika, ou Grande Assemblée, et les Sthavira, ou les Anciens, au comportement plus strict. Plus vraisemblablement, la scission n'intervint que trente-sept ans plus tard lors d'une autre réunion, rendue nécessaire par la montée croissante des tensions au sein du sangha (problèmes disciplinaires, rôle de la laïcité et de la nature de l'arhant).
À la longue, d'autres divisions à l'intérieur de ces groupes donnèrent naissance à dix-huit écoles qui diffèrent sur des questions philosophiques, religieuses et disciplinaires. De ces écoles traditionnelles, seule l'école Theravada survit encore.
Le troisième concile qui se tint à Pataliputra (Patna de nos jours) fut organisé à l'initiative du roi Ashoka au IIIe siècle av. J.-C. Présidé par le moine Moggaliputta Tissa, il eut pour résultat d'écarter du sangha les faux moines et les hérétiques qui avaient rejoint l'ordre monastique en grand nombre parce qu'il était soutenu par la royauté. Ce concile réfuta les points de vue hétérodoxes et exclut ceux qui les prônaient. De plus, on y termina sans doute la compilation des écrits bouddhiques (Tripitaka), et l'on ajouta à la doctrine (dharma) et à la discipline monastique un corpus de philosophies subtiles connu sous le nom d'abhidharma. Lors de ce concile, il fut aussi décidé d'envoyer des missionnaires en différents pays étrangers.
Un quatrième concile, sous le patronage du roi Kanishka, eut lieu à Jalandhar ou au Cachemire vers l'an 100 apr. J.-C. Les deux ordres du bouddhisme participèrent certainement à ce concile qui avait pour objet d'instaurer la paix entre les différentes écoles, mais les adeptes du Theravada refusèrent d'en reconnaître la validité.
Naissance et développement du bouddhisme scripturaire
Pendant plusieurs siècles après la mort du Bouddha, les traditions scripturaires définies lors des conciles se transmirent oralement. Elles furent définitivement consignées par écrit durant le Ier siècle av. J.-C. Parmi les premières écoles, certaines optèrent pour le sanskrit. Des manuscrits épars subsistent, mais aucun canon complet en sanskrit n'a survécu à l'usure du temps. Par contre, il existe une version pali — dialecte populaire apparemment dérivé du sanskrit — de la totalité du canon des adeptes du Theravada.
L'ensemble des écrits bouddhistes furent rassemblés dans trois recueils distincts connus sous le nom de Tripitaka ou les Trois Corbeilles : le Sutra Pitaka, recueil de textes originaux!; le Vinaya Pitaka, code de la discipline monastique!; et l'Abhidharma Pitaka qui comprend des discussions et des classifications philosophiques, psychologiques et doctrinales.
Le Sutra Pitaka est composé des dialogues entre Bouddha et ses disciples. Il est divisé en cinq parties : Digha Nikaya (recueil de longs textes), Majjhima Nikaya (recueil de textes de longueur moyenne), Samyutta Nikaya (recueil de textes groupés), Anguttara Nikaya (recueil d'exposés variés) et Khuddaka Nikaya (recueil de textes divers). Dans la cinquième partie, les Jakata, récits des vies antérieures du Bouddha, et le Dharmapada (sentences religieuses), un résumé des enseignements du Bouddha concernant la discipline mentale et la moralité, sont particulièrement populaires.
Le Vinaya Pitaka est un ensemble de traités sur la discipline. Il contient plus de deux cent vingt-cinq règles qui déterminent la conduite des moines et nonnes bouddhistes. Ces règles sont accompagnées d'une histoire qui en expose la raison d'être et sont classées en fonction de la gravité de l'offense qui résulte de leur violation.
L'Abhidharma Pitaka est divisé en sept parties qui comprennent des classifications détaillées des phénomènes psychiques, des analyses métaphysiques et un thesaurus de vocabulaire technique. Bien que ces textes fassent autorité, ils ont en vérité peu d'influence sur les laïcs. Le canon complet, très étoffé, existe également en version chinoise et tibétaine.
Au sein du bouddhisme Theravada, le Milindapanha (questions du roi Milinda) et le Visuddhimagga (voie de la purification) sont deux textes de grande importance qui ne sont pas liés à la tradition. Le Milindapanha remonte au IIe siècle apr. J.-C. Il est écrit sous la forme d'un dialogue et traite de problèmes fondamentaux de la pensée bouddhiste. Le Visuddhimagga est le chef-d'œuvre de Buddhaghosa, le commentateur bouddhiste le plus célèbre. Ce texte connut un grand succès dès le début du Ve siècle apr. J.-C. Il s'agit d'un important recueil qui établit la synthèse de la pensée bouddhiste et des pratiques méditatives.
Les adeptes du Theravada considèrent traditionnellement que le Tripitaka est l'ensemble des paroles de Siddhartha Gautama inscrites dans la mémoire. Quant aux adeptes du Mahayana, ils ne limitent pas leur fonds scripturaire aux enseignements de cette figure historique. Cependant, le Mahayana ne se cantonne pas non plus à un canon rigide de textes sacrés. Ainsi, et à des périodes variées de l'histoire, de multiples écrits firent autorité au sein de nombreux groupes du Mahayana. Le Saddharmapundarika Sutra (sutra du Lotus de la Vraie Loi, communément connu sous le nom de sutra du Lotus), le Vimalakirti Sutra, l'Avatamsaka Sutra (sutra de la Guirlande) et le Lankavatara Sutra (sutra de la Descente du Bouddha au Sri Lanka), ainsi qu'un groupe de textes connu sous le nom de Prajnaparamita (Perfection de la Sagesse) figurent parmi les écrits les plus importants du corpus du Mahayana.
Conflits et nouveaux groupements
Dès les premières années de son développement, le bouddhisme vit apparaître diverses interprétations des enseignements du maître qui furent alors sources de conflits. C'est ainsi que naquirent les dix-huit écoles traditionnelles. Ces écoles furent parfois jugées trop conservatrices et prosaïques dans leur attachement à l'enseignement du maître. Parmi elles, le Theravada a été accusé d'être trop individualiste et peu concerné par les besoins des laïcs. Un tel mécontentement conduisit la tendance libérale du sangha à se désolidariser des autres moines lors du second concile en 383 av. J.-C.
Alors que les moines les plus conservateurs continuaient à honorer le Bouddha comme un maître humain totalement "!éveillé!", les Mahasanghika libéraux dépassèrent la doctrine originale. Voyant dans le Bouddha un être éternel, omniprésent et transcendant, ils considéraient le Bouddha historique comme une manifestation du Bouddha transcendant, créé pour le bien de l'humanité. Dans cette perspective, la pensée mahasanghika est le modèle du Mahayana.
Mahayana
Les origines du Mahayana sont relativement obscures. Les noms de ses fondateurs sont inconnus et les savants sont en désaccord sur le lieu de son origine : certains pensent qu'il a vu le jour au sud de l'Inde et d'autres au nord-ouest. Quoi qu'il en soit, il a été conçu entre le IIe siècle av. J.-C. et le Ier siècle de notre ère.
Les spéculations sur la nature éternelle du Bouddha se poursuivirent bien après le début de l'ère chrétienne et culminèrent dans la doctrine du Mahayana qui traitait de la triple nature ou triple "!corps!" (trikaya) du Bouddha. Il s'agissait du "!corps de la loi!", du corps de félicité et du corps artificiel ou d'émanation (dharmakaya). Le corps absolu représente la nature ultime du Bouddha, son essence réelle. Au-delà de la forme, c'est l'absolu immuable, la conscience ou la vacuité. Cette nature essentielle du Bouddha se manifeste sous une forme céleste en tant que corps de félicité. Lorsqu'il adopte cette forme, le Bouddha est assis dans une splendeur divine et prêche dans les paradis. Enfin, le Bouddha prend forme humaine pour transformer l'humanité, et cette apparence est connue sous le nom de corps d'émanation. Le Bouddha s'est manifesté ainsi d'innombrables fois et le Mahayana considère que le Bouddha historique, Siddharta Gautama, n'est qu'un exemple du corps d'émanation.
Cette nouvelle représentation du Bouddha telle que l'expose le Mahayana rend possibles les concepts de grâce divine et de révélation qui manquent au Theravada. La croyance en les manifestations célestes du Bouddha conduit au développement de la dévotion personnelle dans le cadre du Mahayana. De ce fait, certains savants estiment que les débuts du Mahayana correspondent à une forme d'"!hindouisation!" du bouddhisme.
Le terme de bodhisattva, ou être "!éveillé!", désigne un nouveau concept important du Mahayana. C'est l'idéal auquel tout bouddhiste devrait aspirer. Un bodhisattva est un être pleinement "!éveillé!" qui retarde son entrée dans l'état final de nirvana afin d'aider tous les êtres à atteindre la libération. Il transmet le mérite accumulé en de nombreuses vies à des êtres moins fortunés, et la bonté ainsi que la compassion sont ses attributs essentiels. C'est pourquoi le Mahayana considère le bodhisattva supérieur aux arhants qui représentent l'idéal du Theravada. Dans le Mahayana, certains bodhisattvas comme Maitreya, qui représente le Bouddha de la bonté, et Avalokitesvara ou Kuan-yin, celui de la compassion, sont très populaires.
Le tantrisme
Avant la fin du VIIe siècle apparut dans le nord de l'Inde une nouvelle forme de bouddhisme connue sous le nom de tantrisme (voir Tantra). Elle émergea à travers un syncrétisme du Mahayana et de croyances et magies populaires. Semblable au tantrisme hindou, qui naquit à peu près à la même époque, le bouddhisme tantrique se distingue du Mahayana par l'extrême importance accordée aux rites de sanctification. Également connu sous le nom de Vajrayana, le Véhicule de Diamant, le tantrisme est une tradition ésotérique. Les cérémonies d'initiation qu'il comporte nécessitent l'entrée dans un mandala, un cercle mystique ou une cartographie symbolique de l'Univers spirituel. Les mudra, gestes mystiques et symboliques utilisés durant les rituels, et les mantras, ou syllabes sacrées chantées de manière répétitive et servant à concentrer l'attention durant la méditation, revêtent une grande importance. Au Tibet, le Vajrayana devint la forme dominante du bouddhisme et fut également transmis au Japon en passant par la Chine où sa pratique se perpétua dans la secte shingon.
Expansion du bouddhisme
Le bouddhisme se répandit rapidement dans l'ensemble de son pays d'origine. Des missionnaires dépêchés par le roi Ashoka firent connaître la religion dans l'Inde du Sud et dans le nord-ouest du sous-continent. Selon des légendes datant de l'époque du règne d'Ashoka, des missionnaires furent envoyés dans certains pays méditerranéens mais n'y rencontrèrent aucun succès.
Le bouddhisme en Asie
La conversion du Sri Lanka a été attribuée à Mahinda et Sanghamita, le fils et la fille du roi Ashoka. Depuis son développement sur cette île, le Theravada demeure la religion nationale.
Selon la tradition, le Theravada fut implanté en Birmanie durant le règne d'Ashoka, mais il n'y a aucune preuve tangible de sa présence dans ce pays avant le Ve siècle. Au VIe siècle, le Theravada s'étendit de la Birmanie à ce qui est aujourd'hui la Thaïlande et lorsque les Thaïs, arrivant du sud-ouest de la Chine, s'installèrent dans le pays entre le XIIe et le XIVe siècle, ils adoptèrent cette religion.
Avant la fin du IIe siècle, le Mahayana et l'hindouisme se propagèrent au Cambodge, mais après le XIVe siècle et sous l'influence des Thaïs, le Theravada y devint peu à peu la religion dominante.
Le bouddhisme gagna l'Asie centrale au début de l'ère chrétienne, puis entra en Chine par le biais des routes commerciales dès le Ier siècle. Malgré l'opposition du confucianisme orthodoxe et les périodes de persécution qu'il subit en 446, 574-577 et 845, le bouddhisme s'implanta peu à peu, influençant la culture chinoise et s'adaptant en retour à la tradition du pays. L'influence majeure du bouddhisme chinois prit fin avec la grande persécution de 845. Le zen ou chan (du sanskrit dhyana, "!méditation!"), et la secte de la Terre pure, conservèrent cependant une grande importance.
Depuis la Chine, le bouddhisme poursuivit son expansion. Les autorités confucéennes empêchèrent son entrée au Viêtnam mais l'influence du Mahayana commença à se faire ressentir dès 189. Selon les sources traditionnelles, le bouddhisme pénétra pour la première fois en Corée en 372. À partir de là, la Corée, influencée par la Chine, se convertit progressivement au bouddhisme.
De la Corée, le bouddhisme parvint de façon officielle au Japon en 552, même si les Japonais le connaissaient officieusement avant cette date. En 593, le prince Shotoku le proclama religion d'État.
Au début du VIIe siècle, le bouddhisme fut introduit au Tibet par les femmes du souverain qui étaient d'origine étrangère et avant le milieu du siècle suivant, il était devenu très important au sein de la culture tibétaine. Le moine indien Padamasambhava qui arriva au Tibet en 747 accéléra le développement du bouddhisme tibétain. Il s'intéressa surtout à répandre le bouddhisme tantrique, qui devint la forme prédominante au Tibet. Les bouddhistes indiens et chinois connurent des luttes d'influence au Tibet, mais finalement ce furent les Chinois qui furent chassés du pays vers la fin du VIIIe siècle.
Sept siècles plus tard, les bouddhistes tibétains adoptèrent l'idée que les supérieurs de leurs grands monastères étaient eux-mêmes des bodhisattvas ou réincarnations du Bouddha. Leur chef fut ensuite connu sous le nom de dalaï-lama. Les dalaï-lamas dirigèrent ce pays qui devint une théocratie au XVIIe siècle et jusqu'en 1950, date à laquelle la Chine envahit le Tibet. Voir Lamaïsme.
Nouvelles écoles
Au sein de la religion, de nouvelles écoles se développèrent avec succès en Chine, au Japon et dans d'autres pays de l'Asie de l'Est. Parmi celles-ci, le chan ou zen et la secte de la Terre pure ou amidisme (du Bouddha Amitbha) furent les plus importantes.
Le zen recommande la pratique de la méditation comme une voie permettant la réalisation intuitive et soudaine de notre nature essentielle de Bouddha. Fondé par le moine indien Bodhidharma, qui arriva en Chine en 520, le zen met l'accent sur la pratique et sur l'Éveil individuel plutôt que sur la doctrine ou l'étude des Écritures. Voir Zen.
La secte de la Terre pure insiste non pas sur la méditation mais sur la foi et la dévotion au Bouddha Amitabha, le Bouddha de la Lumière infinie, comme moyen de renaître dans un paradis éternel appelé la Terre pure. Renaître dans ce paradis situé à l'ouest de l'univers dépend du pouvoir de la grâce d'Amitabha et n'est donc pas une récompense à la piété humaine. Les adeptes s'en remettent à Amitabha en répétant à plusieurs reprises la phrase "!Hommage au Bouddha Amitabha!". Cependant, une seule récitation sincère de ces paroles peut s'avérer suffisante pour garantir l'entrée dans la Terre pure.
Le bouddhisme Nichiren est une école japonaise particulière du Mahayana. Elle porte le nom de son fondateur qui vécut au XIIIe siècle. Cette école considère que dans le sutra du Lotus se trouve l'essentiel des enseignements du bouddhisme. Son contenu peut être résumé dans la formule "!Hommage au Sutra du Lotus!" qu'il suffit de répéter pour atteindre l'Éveil.
Institutions et pratiques
Les obligations et observances religieuses diffèrent au sein même du sangha et de la laïcité mais également entre eux.
La vie monastique
Dès le début, les disciples les plus fervents du Bouddha s'organisèrent en une communauté monastique nommée sangha. Ses membres se reconnaissaient à leur tête rasée et à leur vêtement consistant en une simple étoffe orangée. Les premiers moines bouddhistes, ou bhikhus, étaient des moines errants qui ne se fixaient en collectivités qu'au moment de la saison des pluies lorsqu'il devenait difficile de voyager. Chaque communauté sédentaire qui se développa par la suite fonctionnait de façon indépendante et démocratique. La vie monastique était organisée selon les préceptes du Sutra Vinaya, l'une des Trois Corbeilles du canon bouddhiste. Tous les quinze jours, une assemblée de moines, l'uposatha, se réunissait au sein de chaque communauté afin de réciter les règles du Vinaya et de confesser publiquement toutes les infractions à la discipline. Le sangha n'était pas réservé aux hommes, ce qui, dans les ordres monastiques indiens, constitue une exception. Les moines et nonnes adeptes du Theravada étaient célibataires et obtenaient leur nourriture en faisant chaque jour l'aumône chez les dévots laïcs. L'école zen, quant à elle, finit par rejeter la règle qui imposait aux membres du sangha de vivre d'aumône et demanda à ses moines de travailler les champs pour obtenir de quoi se nourrir. Au Japon, la célèbre école Shin, une branche de la secte de la Terre pure, autorisa ses prêtres à se marier et à fonder une famille. Traditionnellement, les moines bouddhistes s'occupent des funérailles et célébrent les offices à la mémoire des défunts en chantant les Écritures et en récitant les mérites accumulés pour le bien des morts.
Culte laïc
Le culte laïc est, dans le bouddhisme, essentiellement individuel. Depuis les temps les plus anciens, les laïcs et les membres du sangha expriment de façon commune leur foi en récitant la formule des Trois Refuges "!En Bouddha, dharma et sangha, je prends refuge.!" Bien que les adeptes du Theravada ne vouent pas de culte au Bouddha, ils le vénèrent cependant par le biais du stûpa qui est une structure sacrée en forme de dôme contenant une relique. Les dévots marchent autour du stûpa dans le sens des aiguilles d'une montre, apportant des fleurs et de l'encens en signe de respect. Une relique de la dent du Bouddha à Kandy, au Sri Lanka, fait l'objet d'une fête très populaire qui se déroule le jour de l'anniversaire du Bouddha. Cet anniversaire est également célébré dans tous les pays bouddhistes. Dans le Theravada, cette célébration porte le nom de Vaisakha et se déroule le mois suivant la date de la naissance du Bouddha. Dans les pays qui sont sous l'influence du Theravada, le pirit, ou protection, rencontre un grand succès. Il s'agit d'une cérémonie au cours de laquelle sont lus des textes issus du canon pali et dont les vertus protectrices permettent d'exorciser les esprits mauvais, de guérir, de bénir les nouvelles constructions et d'obtenir d'autres bienfaits.
Le Mahayana accorde plus d'importance au rituel que le Theravada. Les images des Bouddhas et des bodhisattvas placées sur les autels des temples et dans les maisons des dévots font l'objet de vénération. Les prières et les chants constituent les actes dévotionnels courants, tout comme les offrandes de fruits, de fleurs et d'encens. En Chine et au Japon, la fête la plus populaire est celle d'Ullambana!; à cette occasion, on fait des offrandes aux esprits des morts et aux fantômes. Il est dit que, durant cette cérémonie, les portes de l'autre monde s'ouvrent afin que les esprits des défunts puissent revenir sur terre un court instant.
Le bouddhisme aujourd'hui
Une des forces du bouddhisme est d'avoir toujours eu la capacité de s'adapter à la nouveauté des situations et à la variété des cultures. Philosophiquement, il est aux antipodes du matérialisme. Loin de s'opposer à la science moderne, le bouddhisme soutient que le Bouddha a adopté une approche expérimentale pour traiter les questions relatives à la vérité ultime.
Le bouddhisme demeure très puissant en Thaïlande et en Birmanie. Lorsqu'il a été reproché aux moines de ne pas s'intéresser à la vie sociale, ceux-ci ont réagi en participant à différents projets sociaux. Bien que le bouddhisme ait été largement évincé de l'Inde entre le VIIIe et le XIIe siècle, une petite résurgence a vu le jour lors de la conversion de 3,5 millions d'intouchables qui commença en 1956 sous l'impulsion de Bhimrao Ramji Ambedkar. Un tel renouveau du bouddhisme s'était produit au XIXe siècle au Sri Lanka.
Dans les républiques communistes asiatiques, le bouddhisme a rencontré les plus grandes difficultés. En Chine, par exemple, il est toléré, mais le gouvernement le supervise et le réglemente. De nombreux monastères et temples sont transformés en écoles, dispensaires et autres bâtiments de service public. Les moines et les nonnes sont tenus d'avoir un travail en plus de leurs fonctions religieuses. Au Tibet, les Chinois essayèrent de briser l'influence bouddhiste après leur invasion du pays et la fuite du dalaï-lama et d'autres hauts dignitaires du bouddhisme en 1959.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, le Japon est le seul pays où de nouveaux mouvements bouddhistes ont vu le jour. Sokka Gakkaï, la Société créatrice de valeurs, est l'un de ceux-là. Mouvement laïc, associé au bouddhisme Nichiren, il est connu pour son organisation efficace, ses techniques agressives de conversion, son utilisation des médias ainsi que pour sa ferveur nationaliste. Il promet biens matériels et bonheur terrestre à ses adeptes. Depuis 1956, il s'est engagé dans la politique japonaise et soutient les candidats du Komeïto, le Parti Intègre.
L'intérêt croissant des Occidentaux pour la culture et pour les valeurs spirituelles de l'Asie a favorisé le développement de nombreux groupes voués à l'étude et à la pratique du bouddhisme. Le zen se répand en Occident et compte une douzaine de centres de méditation ainsi que plusieurs véritables monastères. Le vajrayana connaît aussi une popularité croissante.
Comme son influence ne cesse de croître, une fois de plus, le bouddhisme fait face à un processus d'acculturation au sein de son nouvel environnement. Bien que son influence en Occident soit encore mineure, sauf dans les communautés d'émigrés japonais et chinois, il semble que de nouvelles formes de bouddhisme propres à l'Occident puissent finalement se développer.