L'ALPHABET UN CALENDRIER

OU

L'OEIL REMPLACE L'OREILLE

 

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles

Je dirais quelque jour vos naissances latentes...

(Arthur Rimbaud, Voyelles)

 

Le calendrier des arbres proposé ici reste un divertissement ethnobotanique inspiré par la vénération que les Celtes portaient aux Arbres.

C'est une (re)création reprenant les principales propositions de Robert Graves, mythologue et poète, présentée, sous une forme aussi concise que possible, de faits relativement complexes (bien qu'ils paraissent, trop souvent, aller de soi) concernant l'origine de l'alphabet phonétique et son influence sur les descriptions de nos univers de communication.

Les dictionnaires s'accordent pour définir l'alphabet comme un système de signes graphiques (lettres) servant à la transcription des sons (consonnes, voyelles) d'une langue ou comme un livre à l'usage des enfants contenant les premiers éléments de la lecture. Ce sont les Phéniciens, habitants de l'ancien Liban, qui, nous dit-on, ont inventé l'alphabet vers 1700 av J.C. [click]

Les grecs expliquaient la naissance de l'alphabet par un mythe selon lequel le Roi phénicien Cadmos, à qui on attribuait l'introduction en Grèce de l'écriture phonétique, aurait semé des dents de dragon, mais récolté des hommes armés. Comme tous les mythes, celui-là télescope un lent processus en un éclair d'intuition.

L' ancien alphabet irlandais, de même que celui utilisé par les druides gaulois dont César a parlé, n'était peut-être pas écrit, au début; toutes les lettres qui le constituaient possédaient des noms dérivés de ceux des arbres : on l'appelait le Beth-luis-nion ("bouleau -sorbier - frêne") d'après ses trois premières consonnes; de sa composition, se décèle une origine phrygienne, c'est à dire les 13 consonnes qu' Hermès aurait inventées et les 5 voyelles que les Trois Parques auraient inventées.

Alpha fut la première des 18 lettres, parce qu'Alphé veut dire honneur et alphainein inventer, et parce que l'Alphée est le fleuve le plus remarquable; l'ordre primitif était le suivant : A, B, L, N, O, F, S, H, U, D, T, C, E, M, GN ou Gn R, I.

Les anciens irlandais ont en fait une langue de sourds-muets. Ils utilisaient leurs phalanges pour représenter les différentes lettres ou bien un langage de chiffres parlés.

4096
13 Diviseurs de l'octave-calendrier [click]
8390656
2
E
F
B

 

Chaque consonne représentait un mois de vingt-huit jours faisant partie d'une série de 13 mois qui commençait deux jours après le solstice d'hiver :

 

Octave
La division de l'année en treize mois
Mois lunaire
do
#
#
mi
fa
#
sol
#
la
#
si
Do
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
B
L
N
F
S
H
D
T
C
M
G
NG
R

L'année celte débutait le 24 décembre par le mois du Bouleau.
Chaque mois, portant le nom d'un arbre, comportait 28 jours en relation avec les 28 harmoniques d'un son, ou bien avec les 28 phalanges des deux mains.

28 * 13 = 364

 

364 12 Diviseurs
1 2 4 7 13 14 26 28 52 91 182 364

 

Le Jour supplémentaire.

13 mois de 28 jours totalisent seulement 364 jours.
1 jour situé le 23 décembre clôturait l'année solaire de 365,25 jours.
Ce jour "tampon" était le jour de L'IF (idho).

365 4 Diviseurs
1 5 73 365

 

Treize lettres sont des consonnes. Elles sont l'initiale du nom des arbres du cercle extérieur des mois lunaires. Les cinq voyelles correspondent au cercle intérieur des saisons et jour supplémentaire.

EN RESUME

Un même mot celte désigne à la fois un arbre, une période de temps un nombre, une note, une lettre....

Par exemple le mot LUIS désigne :

  • Le Sorbier
  • La note do#
  • La lettre "L"
  • La période allant du 21 janvier au 17 février.

 

3640 32 Diviseurs
6626620
1 2 4 5 7 8 10 13 14 20 26 28 35 40 52 56
3640 1820 910 728 520 455 364 280 260 182 140 130 104 91 70 65

 

?

 

 

Correspondances entre alphabet celte et calendrier lunaire
Lettre
Arbre Mois Date
Nom
A
Sapin, Epicéa arbre de la naissance
Ailm
B
Bouleau, Olivier 1 24 décembre
Beth
L
Sorbier 2 21 janvier
Luis
N
Fresne 3 18 fevrier
Nion
O
Genêt, Ajonc équinoxe de printemps
Onn
F
Faune, Cornouiller 4 18 mars
Fearn
S
Saule 5 15 avril
Sail
H
Aubépine 6 13 mai
Huath
U
Bruyère solstice d'été
Ura
D
Chêne 7 10 juin
Duir
T
Houx 8 8 juillet
Tinne
C
Noyer 9 5 août
Coll
E
Peuplier équinoxe d'automne
Eadha
M
Vigne 10 2 septembre
Muin
G
Lierre 11 30 septembre
Gort
Ng, Gn
Roseau, Tilleul 12 28 octobre
Peith
R
Sureau 13 25 novembre
Ruis
I
If

arbre de la mort et solstice d'hiver, jour supplémentaire

Idho

 

En 400 av J.C à la suite d'un bouleversement religieux, l'ordre de succession des lettres de l’ Alphabet des Arbres fut changé de façon à ce qu'il correspondît avec un nouveau système de calendrier. (B, L, F, S, N, H, D, T, C, Q, M, G, Ng, Z, R) rattaché à Héraclès "visage de soleil" Ainsi chaque voyelle représentait une situation trimestrielle dans l'année et chaque lettre un mois de 28 jours.

L'usage des lettres de l'alphabet comme calendrier trouve son origine dans le fait que les lettres servaient aussi à transcrire les nombres et les notes de musique. Tout ce qui nous reste de l'harmonie des sphères des pythagoriciens ou de la galaxie du Yin Yang de la chine ancienne se rapporte à cela. L'ordre des lettres cadmien, devenu l'ABC bien connu, semble bien être une erreur dans l'ordre des lettres, due aux marchands phéniciens; ils utilisait l'alphabet secret pour le commerce mais craignaient d'offenser la déesse en révélant son ordre véritable (dont les arcanes se trouveraient dans certains nombres premiers remarquables).

 

Associé au papyrus, l'alphabet annonçait la fin de la bureaucratie statique des temples et du monopole clérical sur la connaissance et le pouvoir. Contrairement aux écritures pré-alphabétiques, que leur multitude de symboles rendait difficiles à maîtriser, l'alphabet pouvait s'apprendre en quelques heures. Ensemble, l'alphabet facile et le papyrus léger et bon marché firent passer le pouvoir des mains du clergé à celles des militaires.

 

 

Il y a des correspondances entre le sanskrit et l'hébreu, puisque tous deux découlent du phénicien aussi entre le langages des gestes des mains des anciens irlandais et les mudras des indiens. Aux Indes les gestes des mains sont appelés mudras. Leur valeur explicative est importante, car ils permettent au spectateur de lire un tableau, une sculpture, une danse. Ils ont, non seulement un sens mystique, mais un rôle physique par leur action sur le système nerveux. Il existe deux espèces de mudras : (24 ou 28) exécutés avec une main, et (13 ou 23) exécutés avec les deux mains.

 

Il se pourrait que les nombres aient précédé l'alphabétisation dans certaines cultures. Longtemps avant la technologie alphabétisée, les facteurs binaires que sont les mains et les pieds ont suffi à lancer l'homme dans la voie du calcul. L'adoption du système métrique est somme toute assez récente de même que la recherche médicale concernant la mise en évidence des fonctions distinctes des deux hémisphères du cerveau. Disons que ce qui concerne le visuel appartient au coté droit du corps et se trouve régit par l'hémisphère gauche du cerveau, tandis que ce qui concerne l'oral appartient au côté gauche du corps et se trouve régit par l'hémisphère gauche du cerveau.

 

L'alphabet phonétique est une technologie unique en son genre. En tant que système d'expression du mental et de communication d'un groupe social les alphabets apparaissent comme des produits de la civilisation plutôt que de l'évolution. Il a existé plusieurs sortes d'écritures, pictographique ou syllabique, mais seul l'alphabet phonétique fait correspondre des lettres sans signification sémantique aucune à des sons sans signification sémantique aucune.

Cette division et ce parallélisme rigide entre deux mondes l'un visuel et l'autre acoustique était du point de vue culturel frustres et brutaux. L'écriture phonétique ne tient pas compte de tout un monde de perceptions et de significations que préservaient des formes commes les runes, les mantras, les mudras, les hiéroglyphes, ou les idèogrammes chinois. Ces formes d'écriture plus riches culturellement ne donnent aucune possibilité de passer de l'univers magique, discontinu et traditionnel qu'est la parole au support uniforme et froid qu'est celui de la vue.

Il suffit d'une seule génération d'alphabétisme en Afrique aujourd'hui, comme en Gaule il y a deux mille ans, pour arracher l'individu de sa trame tribale, ou du moins en amorcer le processus.

Ce fait ne dépend nullement du contenu des mots alphabétisés; il résulte de la rupture soudaine qui se produit entre l'expérience auditive de l'être humain et son expérience visuelle. Parce qu'il intensifie et qu'il étend la fonction visuelle, l'alphabet phonétique réduit dans toute culture alphabétisée, le rôle de l'ouïe, du toucher et du goût.

 

Dans la société occidentale alphabétique, nous trouvons encore normal et correct de dire, après avoir affirmé quelque chose, qu'il s'ensuit comme il se trouvait quelque causalité à ce genre de succession. La conscience n'est pas un processus verbal aussi les successions naturelles ou logique n'indiquent aucune relation de causalité. La succession, la série n'est que cumulative, et non pas causative.

L'alphabet est à l'origine de la technique de transformation et de domination qui consiste à appliquer l'uniformité et la continuité en tout. Cette démarche s'est intensifiée de puis l'invention de Gutenberg.

 

Tous les alphabets en usage en Occident, que ce soit en Russie, au pays basque, au Portugal ou au Pérou, dérivent de l'alphabet gréco-romain. Toutes les autres formes d'écriture n'ont jamais servi qu'une seule culture, et ont servi à isoler cette culture des autres.

En résumé, les écritures pictographiques et hiéroglyphique des cultures babylonnienne, maya et chinoise représente un prolongement du sens de la vue destiné à emmagasiner l'expérience humaine et à en faciliter l'accès. Toutes ces formes donnent une expression picturale à des significations orales. En tant que telles, elles peuvent se comparer au dessin animé; elles sont extrêmement rigides et nécessitent plusieurs signes pour exprimer l'infinité de données et d'opérations de l'activité sociale. L'alphabet phonétique, par contraste, peut, avec quelques lettres seulement, contenir toutes les langues. Une telle réussite, toutefois, implique la séparation des signes et des sons de leur contenu sémantique et dramatique. Aucun autre système d'écriture n'a été capable de ce tour de force.

Cette séparation de l'image et du son de leur signification, particulière s'étend aussi à ses effets sociaux et psychologiques. Et si l'homme alphabétisé subit une profonde séparation de sa sensibilité intérieure, sa vie imaginative, émotive et sensorielle il trouve par contre la liberté personnelle de se dissocier du clan et du système de parenté.

Dans la Rome républicaine, les carrières étaient accessibles au talent tout autant que dans la France napoléonnienne, et pour les mêmes raisons : l'élévation nouvelle du degré d'instruction avait créé un milieu homogène et malléable dans lequel la mobilité des groupes armés et des individus ambitieux, au même titre, était aussi nouvelle que pratique.

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