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"Qu'est ce que craindre la mort sinon s'attribuer un savoir qu'on a
point?". Platon:
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Sur ce
silence, je vous livre ci-après quelques réflexions-réflections
sur le jeu du Secret: Le nom du Secret dit qu'on ne peut pas dire. Il
parle du Secret sans le dire. Ou bien ce nom recouvre des noms comme
celui de la Mort, qui, lui aussi parle d'un indicible. Mais l'indicible,
ici et la n'est pas le meme. La Mort par exemple, n'est pas une experience
dont on parle parce qu'on la faite. Elle seule du reel est en dehors
de la memoire. Ce qu'on dit d'elle, la cache. Ca cache le trou qu'elle
fait dans le'Savoir'. On tourne autour d'un trou. on croit qu'on dit
la Mort: on n'en decouvre que des indices. On parle d'un cadavre, d'une
douleur .... L'evenement de la Mort etant hors l'atteinte des mots,
dire le nom de la Mort est s'approcher d'un vide de la Pensée.
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Le nom
de la Mort tue le Sens.
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Tout le temps que le secret est tu, son nom designe aussi un trou dans
le savoir ou dans le dire. Lui aussi derobe le sens. On tourne autour
d'un puits perdu, creuse par cet autre nom vide: les mots s'y ecoulent
sans reste. On nomme le puits ' la Derobee'. On tait ce qui fut dit
ou vu. Quand on le dit, ca bouche le trou, ca tue le nom generique du
secret. Ca fait une mort breve dans le vocabulaire.
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Le silence des mots rend impossible l'experience de la Mort, la decouverte
du Secret. Vous mourez, ca cesse de parler. Vous taisez le secret, nul
n'en parle. Je ne puis vous joindre, vous-meme secret ou mort. Vous
etes mure dans le silence. L'existence des mots n'a d'autre cause ni
d'autre fin: ils departagent dans ce qu'il advient, l'inexperience de
l'experience.
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Le Jeu
du Secret...
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L'acte constitutif du Secret est acte de refus qui implique au moins
deux parties. Personnes ou groupes lies par un rapport negatif: le detenteur
du contenu du Secret et le destinataire vise par ce contenu refuse.
Il n'y a pas de Secret en soi sans cible ou destinataire ! Le refus
de divulguer le Secret cree une tension qu'il faut maintenir pour le
preserver. Il existe pourtant trois modes de decharge de cette tension
interne. La decharge est la tendance incoercible du Secret a se frayer
un chemin, une voie, vers ses destinataires.
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Premier
mode: La Revelation. C'est un relachement brusque de la tension qui
abolit la separation et par consequent le Secret. Elle est aussi une
vaine tentative de monnayer le prestige dont tout detenteur de secret
est credite par ses partenaires. Tant qu'il se contente de leur signaler
l'existence d'une chose qu'il a et que les autres n'ont pas. En revelant
le Secret, en fait , il revele qu'il n'a pas et qu'il n'est pas l'objet
susceptible de combler le manque de ses partenaires. Aucun Secret ne
peut remplir ses promesses en se revelant.
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Deuxieme
mode: La Communication. Elle se distingue nettement de la revelation.
Au lieu d'abolir la separation, elle deplace sa limite et de la sorte,
elle preserve le secret dont elle soulage le poids, dont elle abaisse
la tension. Elle implique un choix et transforme le Secret en support
d'un lien social ambivalent. On peut reveler un Secret directement ou
indirectement a ses destinataires: le dire, l'avouer, le confesser a
ceux-ci, ou alors le divulguer et le trahir devant tout le monde et
n'importe qui. On ne peut COMMUNIQUER qu'' a des confidents choisis
par decision collective ou alors qu'a ceux qui partagent la meme charge
ou fonction.
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Dans les
deux cas, on ne confie le Secret qu'a des depositaires. En confiant
le Secret a autrui, nous ne lui demandons pas seulement de le conserver
intact et de nous soulager du poids de notre refus. Nous lui demandons
aussi de le prendre en charge et de le partager, c'est a dire de l'etayer
et de le soutenir de la force de son propre refus, et, par consequent,
de sa propre tentation a le manifester, ne serait-ce qu'' en le cachant
devant nos destinataires devenus communs.
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Aussi,
la Communication qui inaugure le partage a-t-elle pour effet crucial
de transformer le Secret en fait social doue de certains effets specifiques.
Elle le transforme en objet de jouissance et d'echange, en chose commune
, en lien qui se nourrit de la tension constante entre un dehors et
un dedans. Elle n'erige pas seulement une regle, elle réengendre
aussi sa propre condition. L'adjuvant de cette forme de solidarite,
telle que la communication des secrets intiatiques, est la tension toujours
renaissante ou entretenue entre le dedans et le dehors.
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Autant
dire que la confiance engendree par le partage des secrets est a la
mesure de la resistance que leurs depositaires opposent aux inevitables
tentations de les trahir. Lorsque la tension monte et que l'heure de
la trahison a sonne, elle peut s'inverser et transformer les confidents
en autant d'agents potentiels des destinataires de ces secrets. C'est,
ce qui explique, entre autres, l'emergence de la Societe Secrete. Le
serment, l'education au silence, l'interdiction de communications ecrites,
l'institution de sanctions formelles. Les epreuves initiatiques ou psychiques
impriment la regle du silence dans la memoire des societaires.
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La fragmentation
temporelle et spatiale des secrets, l'initiation graduelle et le compartimentage
des depositaires assurent objectivement la protection mais sonne aussi
le glas de la relation egalitaire. Elle implique la presence d'une hierarchie
d'inities separes desormais par la barriere du Secret; Cependant, les
mots de passe, les signes de reconnaissance sont la pour rappeler a
chacun que l'unite n'est pas perdue. Le dispositif symbolique interne
du groupe et plus particulierement son dispositif rituelique signe la
caracteristique de la Societe Secrete. A la limite celle-ci protege
moins ses secrets primordiaux que les usages, les regles et les rituels,
c'est a dire les secrets secondaires au moyen desquels, elle se constitue
durablement.
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La Secretion:
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La Secretion laisse echapper, percer, filtrer, fuir. Elle est sans doute
le moyen le plus courant de la regulation et par la meme de la preservation
du Secret. Si, la Communication abaisse momentanement cette tension,
elle ne la supprime pas. La Secretion est l'ensemble des moyens plus
ou moins volontaires ou organises au moyen desquels les detenteurs ou
depositaires du Secret en exhibent des fragments sans pour autant le
reveler ou le communiquer. La Secretion se fait au moyen de bribes et
de morceaux, de signaux que nous laissons filtrer, malgre ou a cause
de notre intention de ne rien reveler. Et ce sont les autres, les destinataires
qui constituent ces regards furtifs, ces airs, ces manieres, ces paroles
ou gestes, en signaux du Secret.
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Il y a
la vanite des mots dans la transmission du secret, c'est pourquoi la
revelation du Secret de l'Initiation, hors du moment vecu par un profane,
par la lecture ou par l'indiscretion, le laisse frustre et desempare.
Les mots, moyen mediatique, mettent un intermediaire deformant entre
la partie la plus intime d'un individu et celle d'un autre. Les symboles
ou mieux les archetypes repondent deja mieux a cette utilisation. On
ne peut en fait connaitre l'initiation que comme une experience immediate,
vecue en commun, simultanement ou successivement, en l'absence de mots.
Ces mots qui travestissent si bien la pensee.
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"Le Maitre dont l'Oracle est a Delphes, ne dit rien, ne cache
rien, mais Signifie" (Héraclite, fragment 93)
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Le programme Guemat a converti
les paragraphes précédents en hexagrammes ...
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